Genre : Littérature naturaliste Citation : « Quand Gervaise s’éveilla, vers cinq heures, raidie, les reins brisés, elle éclata en sanglots. Lantier n’était pas rentré. Pour la première fois, il découchait. » Présentation de l'histoire : Paris, XIXe siècle. Gervaise, blanchisseuse, et son compagnon Auguste Lantier, chapelier, sont arrivés dans la capitale il y a peu, avec leurs deux enfants, Etienne et Claude. Mais bientôt Lantier, fainéant et dépensier, abandonne Gervaise qui se retrouve seule pour nourrir sa progéniture. Elle fait la connaissance de Coupeau, un ouvrier zingueur charmant, raisonnable et attentionné, avec qui elle va vivre une idylle. Mais la condition sociale rattrape les deux ouvriers, et l’alcool qui s’immisce dans leur existence va faire des ravages. |
♦ Critique par John T.
L’Assommoir était au programme en français quand j’étais en Seconde, et après une étude plus poussée de l’œuvre, je me suis rendu compte que j’aimais profondément Zola. Il est donc naturel que je travaille à la réalisation de mon désir de vous le faire connaître ou même de vous le faire aimer.
Quand le roman est sorti pour la première fois, nombreux sont ceux qui ont critiqué le fait que Zola ait écrit son roman dans la langue des rues, c’est-à-dire en argot. Il est vrai qu’il faut, au cours de la lecture du roman, souvent jeter un coup d’œil au glossaire qui se trouve à la fin du livre ; mais l’utilisation de ce vocabulaire argotique pour la voix du narrateur n’ajoute à mon sens qu’une touche de réalisme et de vraisemblance à l’œuvre. Certaines expressions sont par ailleurs plutôt amusantes et peuvent éventuellement vous arracher un sourire – vous ne me croyez pas, chers ennemis du style zolien, quand je vous dis que Zola peut faire sourire, n’est-ce pas ? Pourtant c’est le cas ! Cependant quelques longueurs dans l’histoire sont à mentionner. Certains passages, dont parfois les fameuses descriptions « à la Emile », ralentissent considérablement l’intrigue et alourdissent l’œuvre. On saute alors, dans ce cas, allègrement quelques pages pour arriver là où il se passe quelque chose. La recherche du détail qui caractérise nos chers amis réalistes n’a pas que des avantages, hélas. Mais le style de Zola, dans son ensemble, n’est pas mauvais, loin de là. La description de l’alambic au chapitre II emplit le lecteur d’une chaleur qui le transporte à l’intérieur de la machine et devient presque insupportable ; la métamorphose de Goujet au chapitre VI ne s’opère que par les mots, et pourtant elle est efficace : c’est soudain Thor lui-même qui se dresse devant Gervaise, et non plus le simple ouvrier blond. Ces pages sont d’une beauté qu’il faut reconnaître. Le point de vue omniscient adopté est adapté à l’œuvre : Zola se pose en scientifique de la Littérature et décortique un à un tous les personnages, leur psychologie, leur passé, leur avenir, leur destin. Le choix des temps du passé est lui aussi tout à fait pertinent.
Malgré sa prévisibilité – on devine sans trop de difficultés comment finira la pauvre Gervaise – l’intrigue reste intéressante et bien développée. On reconnaît le trait de pinceau d’un grand de la Littérature dans cette œuvre. La psychologie des personnages est finement analysée selon la théorie naturaliste de Zola ; l’on se plonge en eux comme si l’on pouvait penser à leur place. L’univers du Paris ouvrier est évidemment reconstitué à merveille, puisque l’on sait à quel point Zola était minutieux lorsqu’il s’agissait de constituer des notes servant à la rédaction de ses romans. Je n’ai rien d’autre à dire que ceci : l’on s’y croirait. Les symboliques sont multiples, la plus récurrentes étant celle du feu, qui représente l’alcool, la folie du delirium tremens, le mal qui ronge les basses classes sociales. Gervaise est représentative de toute une classe sociale dont Zola brosse le portrait littéraire et scientifique. Le monde ouvrier que donne à voir Zola est un monde de misère si réaliste que l’on croirait pouvoir le toucher du bout des doigts.
J’ai beaucoup aimé cette œuvre, même si c’est avec réticence que je l’ai lu pour la première fois. D’après moi, L’Assommoir est un très bon roman, tant au niveau stylistique qu’au niveau du fond. C’est une lecture que je conseille à ceux qui aiment les belles descriptions poétiques - même si le sujet de la description en lui-même ne l’est pas -, et qui s’intéressent aux conditions de vie des ouvriers du XIXe siècle.