ARTBOOK RACONTÉ, ET SI LES ILLUSTRATIONS VOUS ÉTAIENT CONTÉES ?
Dana B. Chalys, Émilie Milon, Fabien Clavel, Gérald Bitschy, Julie P, Sophie Jomain, Patrice Verry,
Amandine Forgali, Delphine Dumouchel, Élodie Morgen, Mathieu Guibé, Cécile Guillot, Virginie Goevelinger,
Pascaline Nolot, Amaury Quetel, Chloé Boffy, Stéphane Soutoul
illustré par Fleurine Rétoré
Dana B. Chalys, Émilie Milon, Fabien Clavel, Gérald Bitschy, Julie P, Sophie Jomain, Patrice Verry,
Amandine Forgali, Delphine Dumouchel, Élodie Morgen, Mathieu Guibé, Cécile Guillot, Virginie Goevelinger,
Pascaline Nolot, Amaury Quetel, Chloé Boffy, Stéphane Soutoul
illustré par Fleurine Rétoré
Genre : Anthologie de nouvelles & poèmes fantastiques - artbook Citation : « Il n'en restait pas la moindre trace. Déplacé ? Dévoré ? Enterré ? Seul le renard qui était le gardien de ce lieu isolé savait ce qu'il était advenu de ce corps. » Présentation de l’histoire : Vous qui me tenez entre vos mains, ne me lâchez pas, car je vous promets un voyage étonnant. J’ai été illustré et mis en mots par des plumes tantôt lyriques, chimériques, émouvantes tantôt sombres, mystérieuses ou fantastiques. Faites le pas avec moi et entrez dans un autre monde. Plongez dans l’univers fabuleux des poèmes, contes et nouvelles de l’imaginaire. |
♣ Critique de Maud G.
Les anthologies découlent normalement d'un appel à texte sur un thème précis, mais dans l'ArtBook raconté ce sont les illustrations qui ont inspirés les auteurs qui n'avaient qu'à donner libre court à leur imagination. Un grand merci à la Porte Littéraire et au collectif Fan2Fantasy pour avoir fait confiance une nouvelle fois à Histoires de Romans.
Quand on prend le livre pour la première fois dans ses mains, que l'on caresse sa couverture magnifique et qu'on l'ouvre, on est d'abord frappé par la beauté de l'objet. On tourne les pages et nous voilà entrainé dans les différents univers des auteurs de cette anthologie. Globalement, les styles d'écriture se suivent sans se ressembler, sauf les deux premières nouvelles qui semblent se calquer l'une l'autre tant au niveau de la manière dont elles sont mises en mots, que dans la structure des phrases, le rythme ou la dynamique, et si le noms des auteurs - différents - n'avaient pas été mentionné, on aurait pu jurer que les deux textes venaient de la même personne... À quelques détails près quand on s'attarde sur les deux récits. Au fils des illustrations, les textes se poursuivent et l'on est tantôt charmé par la plume lyrique et acérée de Mathieu Guibé, la délicatesse qu'apporte Cécile Guillot, la signature sensuelle qui plane dans les mots de Sophie Jomain, le ton percutant de Pascaline Nolot, la maîtrise stylistique de Gérald Bitschy ou encore le croquant de Chloé Boffy ; tantôt partagé face à la neutralité adoptée par Fabien Clavel et Amandine Forgali, la répétitivité d'écriture de Dana B. Chalys et Stéphane Soutoul ou encore la maladresse de Julie P et ses épouvantables points de suspension comme prise de parole dans un dialogue... Aussi, les rythmes et dynamiques qui en découlent ne sont pas toujours harmonieux, parfois trop en retard sur des textes qui en perdent leur profondeur. Dommage. Le vocabulaire est varié et s'adapte toujours parfaitement au registre de langue choisi par les auteurs. Niveau narration, on passe de la première à la troisième personne - omniciente ou non - sans heurte, les choix faits se révélant toujours judicieux. Et mention spéciale à Pascaline Nolot qui a su exploiter la deuxième personne avec beaucoup de maîtrise. Côté dialogues, si certaines nouvelles les utilisent sans vrai intérêt, les autres savent les exploiter pertinemment. Le temps passé ressort sans surprise des textes, sauf dans Perdue et Vert vert vert, ces deux nouvelles flirtant inégalement avec le présent.
Mais les différentes histoires dans tous ça ? Pour commencer, la richesse des univers, des personnages, ou les références choisis pour certaines, donnent à l'ensemble une vraie matière ! Le lecteur ne se sent à aucun moment lésé. Globalement, la tension est présente, l'ambiance nous enveloppe comme jamais, entre les mots et le graphisme de chaque page. Mais que d'inégalité entre les textes, certaines histoires semblant tourner un peu en rond ou n'étant pas aboutit... Aussi, on aura l'impression d'un énième cliché avec Savannah Stratton et En preuve de mon amour, Lune Bleue s'en sortant un mieux avec son approche de la possession et sa chute extraordinaire, malgré une héroïne aux comportements et réactions peu crédibles. Le blâme de l'océan pourrait être comparable à ces contes que les marins font voyager avec eux d'un port à l'autre, mêlant superstition et violence avec intelligence et bonne mesure. Aussi, avec la pureté de Plonger l'éphémère et son voile de nostalgie, et Vert vert vert qui nous offre une jolie approche de la fantaisie, malgré un texte très froid et superficiel, le lecteur pourra y trouver un clin d’œil vers un message écologique. Philyra m'aura personnellement déçue par la facilité prise par l'auteur "recopier" la mythologie grecque, mais la partie qui intéresse, par la suite, uniquement Philyra et Chiron m'aura un peu réconciliée avec l'histoire. Journal intime d'un serial lover est probablement l'un des textes forts de cette anthologie avec ses paradoxes si bien amenés vers l'ambiguïté entre l'amour et la mort... Et quelle fin ! Par contre, le texte ne s'accorde pas du tout à l'illustration représentant un jeune sombre homme au premier plan d'une ville moderne plantée de gratte-ciel, alors que le récit se déroule entre 1865 et 1888... Bloody Mary n'a jamais eu de bébé, déjà mal desservie par son titre, est un peu comme si le "vilain petit canard" n'avait jamais été un cygne... Heureusement que la fin compense les maladresses du reste du récit. Conte de toujours est la deuxième excellente découverte de ce recueil par sa réadaptation à la fois moderne et sensuelle du conte de madame de Villeneuve, la Belle et la Bête, et dont la chute finale laissera probablement le lecteur abasourdi. La Reine des hivers utilise très pertinemment le concept de légende urbaine, mais le texte, mal aboutit, résonne un peu comme du déjà vu, nous laissant un peu sur notre faim. Perdue et sa vision prophétique double est la troisième bonne surprise de l'anthologie ; le texte nous parle, ses approches du future nous paraissent tellement possibles, car si la première frôle la belle utopie dont tous rêvent, la seconde dérange, trouble et sonne le glas de l'humanité avec beaucoup de crédibilité. Mortelle Loyauté est LA nouvelle sans égale de ce recueil, surprenante par son originalité, l'ambiance et l'atmosphère mystérieuses qui enveloppent le récit ou encore ses protagonistes hors du commun, - et j'ignore si j'en fus réellement la muse, mais quel renard ! Enfin, les différents poèmes clôturent l'ensemble avec légèreté pour la joie du lecteur.
Bref, l'ArtBook raconté est une anthologie au graphisme superbe. Les manipulations photos ne seront pas forcément au goût de tous, certains lecteurs étant bien plus réceptifs aux illustrations classiques. On retiendra une grosse inégalité entre les textes, avec surtout quatre nouvelles qui sortent réellement du lots et des poèmes bien travaillés. Une découverte à faire.