Genre : Recueil de nouvelles contemporaines Citation : « Mais tu détestes ces gens ! Tu disais que c'était des crapules, une immonde racaille. Tu disais aussi que j'étais le rebut du genre humain. Pourquoi perdre ton temps à écrire sur eux ? » Présentation de l’histoire : Beijing, 1990. Un écrivain rêve de voir son nom apparaître dans le Dictionnaire des grands auteurs chinois. Rêve qui promet de devenir réalité lorsqu'il est chargé par le Parti de trouver le nouveau Li Feng, héros de la Révolution, et d'écrire un livre louant ses actions. Mais rien n'y fait, tout ce qui intéresse et inspire l'écrivain, ce sont les vies passionnantes de gens simples qu'il connaît ou dont il a entendu parler. S'ensuivent neuf récits, entre la tragédie, l'absurde et le grotesque, qui révèlent chacun une facette de la société chinoise. |
♦ Critique par Émeline A.
Étant peu attirée par la culture asiatique, Nouilles Chinoises est un livre que je n'aurais pas pris la peine de lire. Je remercie donc J'ai lu et Histoires de Romans qui m'ont permis de découvrir Ma Jian, auteur considéré comme le Voltaire chinois.
Ma Jian possède un style bien à lui. Il faut tout d'abord reconnaître la simplicité de son écriture : il va à l'essentiel, n'utilise pas un vocabulaire compliqué, et ne fait pas de longues phrases alambiquées. Cependant cette simplicité est alliée à la richesse et à la précision des mots choisis. Ainsi, l'auteur donne un ton juste à son livre tout en évitant les lourdeurs. Cela le rend accessible à un public adulte large. Notons tout de même de nombreux termes crus et choquants pouvant heurter la sensibilité des lecteurs non avertis. Les dialogues sont bien dosés : loin de combler des vides, ils permettent de faire avancer les intrigues et donnent une puissance aux récits. Puisque ce livre est composé de plusieurs histoires, nous suivons progressivement plusieurs points de vue. Ma Jian alterne entre l'omniscient et l'interne, selon ce qui correspond le plus au but recherché. Ses choix sont intelligents et calculés, et contribuent grandement à l'intérêt de l'ouvrage. Trois temps sont majoritaires : le présent quand l'auteur parle de l'écrivain professionnel, le passé simple et l'imparfait quand il s'agit des récits que semble faire l'écrivain. C'est également une décision que j'approuve, et qui nous permet de faire le lien entre toutes les intrigues. Quant au rythme et à la dynamique, ils sont égaux et tout à fait corrects dans l'ensemble du livre. Il n'y a pas de longueur particulière même si, naturellement, le lecteur risque de trouver telle ou telle histoire moins divertissante que les autres. La mise en page conforme aux règles basiques, ainsi que le petit format en font un ouvrage agréable.
Ce livre se découpe en neuf histoires : L'écrivain professionnel, Le donneur de sang professionnel, L'évanouisseur, Le suicide ou l'actrice, Le possesseur ou le possédé, L'écrivain public ou le sac plastique dans les airs, Au miroir de juger ou nue, L'abandonneur ou l'abandonnée et Le chien insouciant ou le témoin. La première nous présente l'écrivain du résumé, celui qui écrit les nouvelles qui suivent. C'est lui qui est à l'origine de l'unité entre toutes, puisqu'on retrouve ses quelques interventions au fil des pages. Les intrigues tournent autour du peuple chinois banal : ce sont des péripéties du quotidien qui sont décrites. Il convient d'aborder le livre en ayant cette idée en tête. Contrairement à ce que nous pourrions penser, ces nouvelles ne sont pas ennuyantes. Elles montrent toutes, d'une manière habile, une facette de la société. Dans chacune d'entre elles, nous retrouvons une tendance au glauque et au malsain. L'auteur s'attaque à des faits que la société s'efforce de masquer, à des sujets qui dérangent. A travers le personnage de l'écrivain professionnel, Ma Jian transmet un vent de révolte contre le gouvernement de cette époque et les fondements de leurs vie. Pour comprendre ce livre, mieux vaut connaître un minimum la culture chinoise. Néanmoins, de nombreux détails et des rappels nous sont livrés quand cela est nécessaire. L'environnement est un des points forts : Ma Jian nous plonge très bien dans son univers. Il est développé à partir des précisions et des allusions à propos de son pays. Les nombreux personnages sont intéressants et étonnants. Leur personnalité est telle qu'il est impossible de vraiment les juger : ils possèdent des bons et des mauvais côtés. Malgré le peu de pages qui leur est consacré, Ma Jian nous donne beaucoup de renseignements sur eux, de sorte que nous connaissions les grandes lignes de leur histoire et de leurs motivations.
Il s'agit d'un livre original que je ne regrette pas d'avoir reçu. Je le conseille aux amateurs de littérature étrangère qui ne sont pas rebutés par le glauque et qui sauront voir plus loin que la banalité apparente.