Genre : Roman de vie contemporain psychologique Lectorat : Adulte Citation : « Rueen m'a aussi raconté des tas d'histoires sur des gens dont je n'ai jamais entendu parler. Un de ses meilleurs copains pendant des siècles s'appelait Nez-rond mais il préférait qu'on l'appelle plutôt Seize-Arts. » Présentation de l’histoire : Alex, dix ans, adore les toats aux oignons et se balancer sur sa chaise. Il a pour meilleur ami Rueen, un démon âgé de neuf mille ans, grand amateur de Mozart, de ping-pong, et de pain perdu. Lorsque, après une nouvelle tentative de suicide de sa mère, Alex commence à se montrer violent, il est confié au Dr Anya Molokova. La psychiatre connaît bien ce genre de comportement car elle-même a eu une petite fille schizophrène. Anya essaie de convaincre le garçon que Rueen n'existe que dans son esprit. Pourtant, face à d'étranges coïncidences, elle se met à douter : Alex est-il réellement victime d'hallucinations ? |
♦ Critique par Bleuenn G.
Je remercie les éditions JC Lattès et Histoires de romans pour m'avoir fait découvrir Le garçon qui voyait des démons, dont le résumé a immédiatement attiré mon attention.
Ce roman est découpé en chapitres qui alternent entre le point de vue d'Alex et celui de la psychiatre. L'idée est excellente et nous permet de mieux comprendre les personnages. Toutefois, les deux points de vue sont écrits de la même manière, ce qui est fort dommage. Lorsque l'on positionne à la place d'Alex, l'auteur utilise des expressions familières et des tournures de phrases qui collent parfaitement à cet enfant de dix ans. Son style d'écriture est donc parfait pour les chapitres concernant le garçon : le lecteur est vite immergé dans sa vie et dans ses pensées, le tout avec fluidité. Cependant, le style de l'auteur pose davantage problème lorsque l'on suit Anya, une psychiatre de plus de quarante ans. En effet, il est compliqué de prendre au sérieux un tel personnage quand il est difficile de faire la différence entre les deux points de vue – heureusement que le titre du chapitre indique le nom du personnage-narrateur –, cela donne surtout l'impression d'un manque de maturité de ce personnage adulte et intelligent. La dynamique est très bonne, tout comme le rythme qui est parfaitement adapté, et ils s'associent pour rendre la lecture agréable. Les dialogues sont, pour la plupart, pertinents, apportent des informations importantes tout en donnant de la vie au récit et permettent de mieux cerner les personnages. Les échanges entre Alex et son démon sont notamment très bien réalisés et plus généralement, toutes les répliques d'Alex font mouche. Un point noir : les temps utilisés. L'auteur oscille entre le présent et le passé composé, sans objectif apparent. Un chapitre est au présent et le suivant au passé, sans que le lecteur ne comprenne pourquoi puisque les deux chapitres sont sur le même plan de narration. Je n'ai peut-être pas compris le but de Carolyn Jess-Cooke, mais ce passage d'un temps à l'autre sans explication visible est gênant pour la lecture.
Concernant le récit, ce roman raconte donc l'histoire d'Alex, qui voit des démons, et de son psychiatre qui veut absolument le soigner, projetant sur lui le souvenir sa propre fille schizophrène disparue quatre ans auparavant. Le résumé est accrocheur et original. Peu à peu, la question se pose : le démon est-il réel ou Alex est-il schizophrène ? Le suspens monte sans que le lecteur s'en rende compte et il lit avidement dans l'espoir d'obtenir les réponses à ses questions. Ainsi, l'intrigue est bien préparée, même si elle n'est pas spécialement imprévisible : tout est dit dans le résumé. Évidemment, le lecteur fait quelques découvertes tout au long de sa lecture, mais rien qui ne fera tomber de sa chaise. La fin, elle-même, est prévisible, bien que très frustrante puisque l'auteur n'apporte pas toutes les réponses voulues, laissant le choix au lecteur d'imaginer ce qu'il veut. L'intrigue est, en réalité, davantage centrée sur les personnages, leur passé, leur combat dans le présent, aussi on apprend en particulier à connaître Alex et Anya. Cependant, si le lecteur s'attache énormément et rapidement au petit garçon, c'est plus difficile concernant la psychiatre. Entre ses réactions immatures et parfois exagérées, elle fait moins vraie qu'Alex. Quelques personnages secondaires parsèment aussi le roman et sont plutôt réussis, notamment la mère d'Alex. Ce livre est assez sombre, il traite de thèmes compliqués, comme la schizophrénie et les maladies mentales en général, la perte d'un enfant, les tentatives de suicide et d'automutilations et montre une Irlande du Nord qui tente de se reconstruire. Ce décor en fond, Belfast, est très réussi et la description de cette ville détruite donne vraiment envie d'y aller pour la voir de ses propres yeux. L'atmosphère n'est pas aussi sombre que pourrait le laisser croire les thèmes forts abordés et même si ce n'est pas un livre joyeux, il essaie de délivrer un message d'espoir plutôt que défaitiste.
Pour conclure, j'ai apprécié ce livre, mais j'ai surtout adoré le personnage d'Alex que je trouve formidablement bien réussi, profond et attachant. Toutefois, je déconseille ce roman aux lecteurs qui aiment avoir toutes les réponses aux questions que soulève l'intrigue, car l'auteur, si elle apporte bien quelques réponses, laisse une fin plutôt ouverte qui pourra en frustrer plus d'un.