Genre : Fantastique "Gaslamp" - Littérature vampirique - Romance Lectorat : Adolescent - Adulte Citation : « Monsieur a déjà confondu mon bois avec une réserve de gibier et ce soir, il prend mon manoir pour un bordel londonien. Cette fois, un fusil ne sera pas assez pour laver la honte que vous avez amenée sur cette maison. » Présentation de l’histoire : Au terme de votre vie, à combien estimez-vous le nombre de minutes au cours desquelles vous avez commis une erreur irréparable ? De celle dont les conséquences régissent d’une douloureuse tyrannie vos agissements futurs jusqu’au trépas. Mon acte manqué ne dura pas plus d’une fraction de seconde et pourtant ma mémoire fracturée me renvoie sans cesse à cet instant précis tandis que la course du temps poursuit son inaltérable marche, m’éloignant toujours un peu plus de ce que j’ai perdu ce jour-là. Je me demande si notre dernière heure venue, les remords s’effacent, nous délestant ainsi d’un bagage bien lourd vers l’au-delà ou le néant, peu importe. Puis je me souviens alors qu’il s’agit là d’une délivrance qui m’est interdite, condamné à porter sur mes épaules ce fardeau à travers les âges, à moi qui suis immortel. L’amour ne devrait jamais être éternel, car nul ne pourrait endurer tant de douleur. |
♣ Critique de Maud G.
Découvert grâce aux éditions du Chat Noir, que je remercie sincèrement, Even dead things feel your love est probablement l'un des rares coups de cœur que j'ai eu depuis longtemps. Et avant de commencer cette critique, je tiens à porter une certaine attention à l'illustration de couverture où tous les éléments graphiques s'accordent très harmonieusement pour donner de nombreux détails comme le nom de l'auteur sur la plaque ou encore le titre comme écrit à la main à même le portrait. L'ambiance est déjà posée et nous invite à ouvrir le livre pour en découvrir encore plus.
La plume de l'auteur est douce tout en sachant se faire tranchante quand il le faut, poétique, travaillée, empreinte de cette tendre mélancolie qui rend le texte si pénétrant. La dynamique est fluide, le rythme mené à la baguette comme pour un orchestre symphonique, donnant à l'écriture une vraie personnalité. Le vocabulaire riche se marie avec une narration incisive, simple, et n'est pas sans rappeler les codes du XIXe siècle revisités avec modernité pour donner un texte très actuel. L'écriture de Mathieu Guibé, c'est un peu l'alliance du style d'Edgard Allan Poe dans la construction des phrases, la poésie de Baudelaire pour les faire vibrer, une pointe de Joseph Sheridan Le Fanu pour l'élégance et un soupçon de Viliers de L'Isle-Adam pour cette violence qui assemble le tout avec une sensibilité propre à l'auteur. Le choix de la narration à la première personne permet aux lecteurs de ressentir toutes les émotions de son personnage, d'être en quelque sorte une ombre qui l'observe. Les dialogues, peu nombreux, sont très caractéristiques des différents protagonistes, de l'ambiance, de l'époque et sont toujours d'une efficacité sans faille, sauf les trois épouvantables points de suspension utilisés seuls en guise de paroles, à trois reprises, qui ont réussi à me faire hurler pendant la lecture. Mais rassurez-vous, il est prévu de corriger cela dans la version numérique - pas d'information quant à une future réimpression papier.
Even dead things feel your love est un récit fantastique, dans la lignée de Dracula de Bram Stocker ou encore de La Morte amoureuse de Théophile Gautier, qui rend hommage au roman gothique du XIXe siècle. On y retrouve d'ailleurs toutes les caractéristiques du genre : l'engouement pour le sentimental, pour le macabre, pour l'histoire et le passé, pour ésotérisme, pour l'architecture gothique dans l'Angleterre de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et des décors populaires du théâtre élisabéthain. Mais également des personnages types que sont le vampire, la belle, le maudit, ou encore le religieux, l'ange ; des situations comme le suicide, le vampirisme, le pacte infernal ou les secrets du passé. L'intrigue est bien préparée et le prologue nous propulse directement dans le thème des amants maudits. L'histoire nous offre une romance des plus belles, profonde, développée avec beaucoup de maîtrise, loin des niaiseries qui pullulent actuellement dans les rayonnages des librairies. Mais il faut être conscient que l'auteur explore les codes du romantisme de l'époque, aussi certains lecteurs pourront trouver cette romance désuète et surfaite - tout comme ils seraient incapables d'apprécier les classiques du genre de l'époque. Les personnages sont assez diversifiés, mais finalement peu nombreux quand on observe toute l'étendue du roman. L'auteur a mis beaucoup de soin dans leur construction pour les rendre crédibles, vivants aux yeux du lecteur. Josiah, notre vampire et principal protagoniste du livre, est un héros tragique des plus fascinants, touchant, parfois troublant, effrayant, dont l’élégance et le charisme se diffusent à travers les mots et dont destin est tel un labyrinthe qui n'a pas d'autre issue que la fatalité dans sa malédiction qu'est l'éternité. Avec la belle Abigale, il forme un couple touchant, véritablement beau, qui n'est pas sans nous rappeler Roméo et Juliette. L'ambiance est dépaysante et les décors, décrits avec parcimonie, mêlent réalisme et invention de façon fantastique. L'auteur nous offre finalement le portrait de toute une époque, le reflet d'un siècle passé qui traverse les âges grâce à la nature de son personnage. Mais toute l'histoire est en réalité dictée par une seule et unique phrase, « Même les choses mortes ressentent ton amour », qui revient au fil du livre comment une lente agonie. Il est juste dommage que la relation de celle-ci avec le titre du livre (en anglais) ne soit pas plus marquée, car certains lecteurs pourront ne pas en comprendre tout l'impact. Et la fin dans tout ça ? Sans aucun doute déplaira-t-elle à certains qui la trouveront totalement exagérée et tombant de nulle part, comme elle plaira à d'autres qui la trouveront à la fois belle et terrible... Mathieu Guibé m'a glissé à l'oreille : tout ça pour ça... Sans hésitation, oui !
Doté d'un véritable esthétisme et d'une histoire de toute beauté que la plume sublime, Even dead things feel your love est de ces livres, rares, qui ont le privilège d'être qualifiés de littérature vampirique et méritent de trôner au côté des grands noms de la littérature fantastique et horrifique du XIXe siècle. Que dire de plus ? Lisez-le ! Et vous serez envoûté !
♦ Critique par Émeline A.
J'ai découvert Even dead things feel your love à l'occasion du Salon du Livre. Deux amies et critiques d'Histoires de Romans me l'ont vivement conseillé, et je les en remercie.
Le style d'écriture est la première chose que j'ai remarquée en lisant. Je l'ai apprécié dès le début, ce qui est relativement rare. Mathieu Guibé possède un style qui lui est propre, et sait réellement écrire. Sa façon de s'exprimer est particulièrement élégante. Une certaine poésie s'en dégage, ce qui est agréable. Pourtant, le ton est tranchant et les faits sont décrits avec toute l'horreur nécessaire quand le besoin s'en fait sentir. Il faut tout de même noter que certaines tournures de phrases peuvent poser problème à un lecteur débutant. Le vocabulaire est d'une grande richesse, toujours parfaitement utilisé. Il est adapté à la fois au personnage et à son époque, et au public potentiellement visé. La dynamique et le rythme ne m'ont posé aucun problème. Il n'y a pas de temps morts, mais pas non plus de longueur. L'utilisation du passé simple est pertinente : il participe à donner cet aspect élégant au roman. Le point de vue a aussi été adapté : c'est principalement celui de Josiah (le personnage central) à la première personne. Cela permet de mieux comprendre sa psychologie complexe, de s'y attacher malgré ses défauts, et achève de le rendre réaliste. Au premier abord, j'ai eu l'impression que certains dialogues étaient niais. Ce n'est finalement pas le cas : eux aussi sont bien menés. La mise en page, sobre, respecte les règles. Le seul élément que je peux reprocher est la multiplication des signes de ponctuation à la fin de certains dialogues.
Mais l'excellente maîtrise de la langue n'est pas le seul point positif de ce roman. L'intrigue elle aussi est très bonne. J'ai eu quelques doutes en l'achetant, à cause du scénario du vampire tombant amoureux d'une humaine. Pourtant, l'histoire est très loin des schémas commerciaux qui nous sont proposés actuellement. Elle se met en place rapidement, mais évolue au long du récit. Même si elle tourne autour d'un seul fil conducteur, elle est loin d'être pauvre. Mathieu Guibé l'a suffisamment développée pour qu'elle ne soit pas limitée. L'histoire s'avère parfois surprenante, et le suspens est régulièrement au rendez-vous. Peu de personnages interviennent. Cependant, ils sont développés et originaux. Ils dégagent tous quelque chose, et échappent à la plupart des clichés. Le lecteur n'a aucune peine à s'attacher à eux. Le héros, qu'on suit du début à la fin, est certainement le plus intéressant. Il est si complexe qu'il est compliqué de trancher à son propos. Le lieu important est l'Angleterre du dix-neuvième siècle, car la manière dont l'auteur se l'est appropriée ne m'a pas déçue. L'ambiance évolue : elle peut être aussi bien légère que sombre. Ce décalage est d'ailleurs intéressant. J'ajouterai juste que le thème du vampire a été repris d'une manière admirable. En sachant rester très proche des mythes d'origines.
J'ai passé un très bon moment en lisant ce livre. Je le conseille vivement, puisque c'est un des rares livres de cette qualité.