Genre : Récit de vie contemporain Citation : « L’idée est simple : elle veut écrire un livre qu’on mettra autant de temps à lire que Rosa a vécu. Il s’agit de reconstituer aussi précisément que possible chaque minute de la vie de ma tante, soit 26 années, 97 jours, 16 heures et 30 minutes. » Présentation de l’histoire : C'est une semaine spéciale dans la vie de Daffodil Silver. Elle doit solder la succession de ses parents récemment disparus. Avant d'accepter ou de refuser l'héritage colossal qu'ils lui laissent, elle veut raconter au notaire leur singulière histoire. Le récit commence bien avant sa naissance, quarante ans auparavant. La mère de Daffodil s'appelle Lilas. Elle est la première des deux filles de Marguerite et Marcel, le propriétaire de l'usine des Souvenirs Faure. Trois ans après elle, est née sa moitié miraculeuse, l'autre face de sa médaille, un soleil : Rosa. Les soeurs sont inséparables. Elles rêvent d'ailleurs et de création, sont le noyau d'un joyeux groupe d'amis. Ensemble, ils jouent aux cartes et s'inventent des avenirs glorieux. Beau temps ne dure jamais. Alors que Lilas vient de donner naissance à sa fille, Rosa meurt brutalement. Passé le choc, vient le sursaut : Lilas décide, pour prolonger d'autant la vie de sa soeur et donner un sens à la sienne, d'écrire un livre qu'on mettrait autant de temps à lire que Rosa a vécu. Vingt-six ans, trois mois et six jours. Une cathédrale peut être magnifique et monstrueuse. La quête est vaine. Elle se heurte à l'indéfinissable de chacun, à ses mystères. |
♦ Critique par Bleuenn G.
Je remercie les éditions JC Lattès et Histoires de Romans pour m'avoir fait découvrir ce roman.
Le style d'écriture d'Isabelle Monnin est très particulier. L'auteur joue avec la mise en page, avec les retours à la ligne et les paragraphes. Les phrases courtes et percutantes s'enchaînent, parfois trop : on pourrait reprocher le rythme haché donné. Même si cet effet est voulu, le lecteur peut buter à la lecture. La dynamique est intéressante et bien menée. L'écriture est parfois très orale, notamment lorsque Daffodil s'adresse au notaire, mais peut aussi être très – trop ? - littéraire, recherchée. Isabelle Monnin joue avec les mots et sait manier un vocabulaire très riche et très varié, qui va du familier au soutenu. Cependant, cette écriture peut aussi être décousue et perdre le lecteur, l'empêcher de plonger facilement dans l'histoire. De même, tous les temps se mêlent : présent et passé, passé composé et passé simple. La narration est à la première personne : Daffodil nous raconte directement son histoire et celle de sa famille. Elle ne s'adresse pas au lecteur, mais à un personnage, le notaire. En effet, tout le roman est en réalité le monologue de Daffodil au notaire. Ce choix est singulier mais bien géré, et il fonctionne bien. C'est un choix judicieux car il rend l'histoire très humaine, mais il est aussi périlleux : tous les lecteurs n'apprécient pas ce style atypique. Les dialogues sont extrêmement rares, voire quasiment inexistants. Les rares dialogues rapportés au style direct ne sont pas forcément intéressants au premier abord, mais sont tous des choix réfléchis de l'auteur. Tous les choix atypiques d’Isabelle Monnin peuvent intriguer et attirer comme repousser. Il faut en tout cas un peu de temps pour s'y habituer.
L'histoire est compliquée à cerner, et il faut une centaine de pages pour commencer à entrevoir l'intrigue principale et le but de l'auteur comme de la narratrice. Les parents de Daffodil meurent et Daffodil se retrouve dans le bureau du notaire pour régler la succession. De là, Daffodil va raconter l'histoire de sa famille, mais surtout celle de sa mère : Lilas. L'histoire est donc centrée sur Lilas et sa sœur, Rosa, morte peu après la naissance de Daffodil. Lilas ne se remet jamais de cette disparition et va rester hantée par Rosa, jusqu'à faire de cette dernière le centre de sa vie, en oubliant le reste. L'intrigue en elle-même est traitée de manière très originale et on aborde le deuil d'une façon insolite. Cependant, l'histoire met beaucoup trop de temps à se mettre en place, et le lecteur peut se lasser. De plus, il est difficile de suivre, car Daffodil ne raconte pas forcément son histoire de manière chronologique. En réalité, il faut attendre les cent dernières pages pour que le puzzle se reconstitue et que le lecteur perçoive l'histoire dans son ensemble. Or, tous les lecteurs ne feront pas l'effort d'aller jusqu'au bout du roman pour le comprendre. Les personnages principaux sont peu nombreux mais complexes, et travaillés en profondeur. Toutefois, il est extrêmement difficile de s'attacher à eux. Lilas, en particulier, peut devenir très agaçante : constamment plongée dans son chagrin, très égoïste, le lecteur aura plus d'une fois envie de la secouer violemment. De même, Daffodil laisse assez indifférente à cause de sa passivité. Les personnages secondaires apportent plus de relief et de vie, notamment le groupe d'amis des parents de Daffodil. L'atmosphère générale est très lourde et pesante, presque déprimante, appuyée par le style d'écriture d'Isabelle Monnin.
Pour conclure, j'ai eu énormément de mal à entrer dans ce roman, en partie à cause de la forme, mais surtout à cause de l'atmosphère et des personnages trop déprimants et de l'histoire décousue. Cependant, les cent dernières pages sont bien plus intéressantes, même si l'on a du mal à sortir de ce pessimisme et de cette langueur accablante.